lundi 10 mars 2008

Voici un court résumé de l'histoire de la Roumanie, avec ses grandes étapes, pour vous aider à comprendre la complexité de ce pays et de ses régions, et notamment de la Transylvanie, qui était l'une des trois principautés médiévales, avec la Moldavie (à ne pas confondre avec la République moldave, état indépendant situé entre la Roumanie et l'Ukraine, dont la langue officielle est également le roumain) et la Valachie, dont la réunion résulta en la création de la Roumanie actuelle.

Vous y trouverez notamment des informations sur la véritable histoire de Vlad Ţepeş, prince valaque du XVe qui inspira à Bram Stocker la légende de Dracula, sur la période monarchique, ainsi que sur la période communiste de 1947 à 1989.

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jeudi 24 janvier 2008

Des géto-daces à la Dacie romaine


C’est au Ier millénaire avant J.-C. que les gètes et les daces, descendants des thraces, s’installent sur le territoire compris entre les Carpates, le Danube et la Mer Noire.

Sur les bords de la Mer Noire, ils s’intègrent progressivement aux colonies grecques, tandis qu’en Valachie et Transylvanie, ils bâtissent dès le IIIe siècle avant J.-C. de puissantes forteresses.

Au début du IIe siècle après J.-C., attirés par l’or des Carpates, les romains décident d’envahir la région et mettront cinq ans à triompher du roi Décébale. (Ces conquêtes sont gravées en frise sur la Colonne Trajane, que vous pouvez voir sur le forum de Trajan, à Rome : http://fr.wikipedia.org/wiki/Colonne_Trajane ).

Rome s’enrichit alors d’une nouvelle province, la Dacie, qui, devenue l’une des plus riches, est surnommée Dacia Felix, « la Dacie heureuse ».

C’est ainsi que le latin parlé dès lors par le peuple daco-romain a imprégné pour toujours la langue roumaine.

Mais en 271-275, les barbares déferlant de l’est amènent l’empereur Aurélien à abandonner la Dacie et à se replier de l’autre côté du Danube.

La Dacie sera alors confrontée à des vagues de migrations successives : goths, huns, gépides, slaves, avars, petchenègues, coumans, tatars, etc. mais seuls les slaves, arrivés à partir du VIe siècle, laisseront une emprunte notable dans la langue roumaine, sans toutefois lui ôter sa spécificité latine.

mercredi 23 janvier 2008

Trois régions, trois destins parallèles


Après plusieurs siècles de silence dans les sources écrites comme dans les indices archéologiques, le peuple roumain réapparaît au Xe, parlant une langue latine et pratiquant le christianisme orthodoxe de Byzance.

De tous les envahisseurs s’étant attaqués au territoire, seules les magyars, établis dans l’actuelle Hongrie à la fin du IXe siècle, vont s’installer durablement.

Dès le IXe, effectivement, leur roi Arpad investit le pays « au-delà des forêts », trans silvania.

En 1003, le roi Etienne Ier fait entrer pour des siècles la Transylvanie dans la mouvance de la Hongrie.

Afin de renforcer ces territoires que traversent les tatars chaque fois qu’ils déferlent sur la Hongrie, les souverains hongrois attirent dès le milieu du XIIe siècle des colons allemands, appelés « saxons », pour fortifier et mettre en valeur les territoires du sud de la Transylvanie.

D’autres peuples d’origine hongroise, les sicules, ont eux pour mission de défendre le flanc est du royaume, en échange de leur autonomie.

Dans le même temps, des petits pouvoirs s’organisent sur le versant oriental des Carpates, pouvoirs que l’autorité hongroise entend soumettre.

C’est sans compter le désir d’indépendance qui anime ces deux régions : la Valachie ou « pays roumain » et la Moldavie.

Elles vont, avec la Transylvanie, connaître un destin parallèle et finir par former les trois grandes provinces de la Roumanie d’aujourd’hui.



mardi 22 janvier 2008

Emancipation de la tutelle hongroise et passage sous la tutelle ottomane


La Valachie est la première à s’émanciper en 1330, après la victoire de Basarab sur le roi de Hongrie.

La Moldavie s’affranchit elle aussi, dès 1359, de la tutelle hongroise et s’érige, tout comme la Valachie, en principauté.

Mais à partir de 1393, les ottomans occupent la Bulgarie et convoitent la Valachie, qui devra bientôt, dès 1411, lui payer le « tribut », symbole de la vassalité.

En 1456 la Moldavie connaîtra le même sort et passera sous tutelle ottomane.

Toutefois, en payant tribut aux ottomans, les principautés échappent à sa tutelle directe et aux conversions massives à l’Islam.

En Transylvanie, les roumains sont marginalisés par les rois hongrois qui s’obstinent à convertir au catholicisme les peuples qu’ils dominent. De plus, tant qu’ils restent orthodoxes, les chefs roumains n’ont aucun espoir d’appartenir à la noblesse magyare, l’une des trois nations de Transylvanie, avec les sicules et les saxons.

Certains vont alors préférer se convertir, comme la famille de Iancu de Hunedoara, qui régnera sur la Transylvanie sous le nom de Jànos Hunyadi et dont le fils Matei Corvin (ou Matthias Corvin) va même devenir l’un des plus grands rois de Hongrie (1458-1490). Sa maison natale est à Cluj.

Dans chaque principauté, un prince (« voïvode » ou « hospadar »), règne depuis sa capitale. Il est élu par les « boyards », barons locaux, et choisi parmi les mâles de la famille régnante.

A l’origine d’une instabilité politique chronique, ce système précaire ne va cesser de s’aggraver jusqu’au XIXe siècle.

lundi 21 janvier 2008

Portrait de Vlad III Ţepeş

Vlad III Ţepeş, l'histoire du "vrai" Dracula


Vlad III Ţepeş (ou Vlad Dracul, ou Vlad l'Empaleur, ou Drăculea) est né à Sighişoara en 1431 et mort en 1476 à Bucarest.

Il est issu de la famille des Basarabi, à laquelle on doit nombre de personnages historiques en Valachie, et en Transylvanie. Il donnera descendance à la famille Bellery, qui vit actuellement en France. Le dernier descendant actuel est Gwénaël Bellery, comte de Transylvanie. La descendance illégitime de Vlad III Ţepeş (par son fils Mihnea le Mauvais, prince de Valachie de 1508 à 1509), compte l’ascendance directe de la famille royale de Windsor !

A l’âge de 11 ans, en 1442, il est envoyé comme otage au sultan Murad II, avec son jeune frère Radu III l'Élégant ; il est retenu en Turquie jusqu'en 1448, et son frère jusqu'en 1462.

A l’instar d’autre princes de son temps, Vlad III Ţepeş, dit Vlad l’Empaleur (de « teapa », qui signifie pieu, en roumain), qui inspirera à Bram Stocker en 1897 le mythe de Dracula, accède au Trône de Valachie en 1456 dans un bain de sang.

Devant son refus de payer tribut aux ottomans, le sultan dépêche des émissaires porteurs d’un ultimatum et secrètement chargés de lui trancher la tête. Mais Vlad déjoue le piège et les fait empaler vivants. C’est de cette pratique, courante à l’époque, mais qu’il affectionnait tout particulièrement, qu’il tiendra son surnom d’Empaleur.

Le roi de Hongrie, Matei Corvin (ou Matthias Corvin), dont Vlad avait épousé la sœur, l'avait, dans un premier temps, soutenu dans toutes ses actions, surtout celles contre les turcs, mais, changeant d'attitude politique, il se mit à soutenir le frère de Vlad, Radu III l'Élégant (Radu cel Frumos), qui était le candidat des ottomans et le chef des armées ottomanes, alors que Vlad était vaincu et lui demandait de l'aide, seul à Braşov.

Pour le discréditer et justifier son revirement, Matei Corvin fera circuler, dans l’Europe du XVe siècle, de nombreuses anecdotes, dont voici un exemple :

« Il fit décapiter plusieurs de ses nobles et utilisa leurs têtes comme appâts pour les écrevisses ; après quoi, il invita leurs amis chez lui, leur offrit ces écrevisses à manger et leur dit « Vous êtes en train de manger les têtes de vos amis ». Après quoi il les fit empaler ».

Ce même roi Matei Corvin le fera prisonnier et c’est à cette occasion qu’il sera enfermé pendant deux mois dans le château de Bran, à tort présenté comme le Château de Dracula en raison de son apparence, source d'inspiration pour Bram Stocker, car le château n’a en réalité jamais fait partie du territoire gouverné par Vlad Ţepeş…

Ses ennemis, les marchands saxons et les boyards (nobles) de Transylvanie qui ont toujours lutté pour conserver leurs privilèges dans ces régions, contribueront également à cette campagne visant à jeter le discrédit sur le prince, bien que l’on sache que sa réputation de prince sanguinaire n’est absolument pas usurpée !

Vlad Ţepeş dirigera effectivement également sa vengeance contre les boyards responsables de la mort de son père assassiné et de son frère Mircea (enterré vivant !). Ainsi, on raconte que le dimanche de Pâques 1459, il arrêtera toutes les familles de boyards qui faisaient la fête à la cour princière. Après avoir mis au pal les plus vieux, il oblige le reste à marcher jusqu'à la ville de Poenari. La route fait une centaine de kilomètres, et est difficile. Il ne permet pas aux survivants de se reposer à leur arrivée, et leur ordonne immédiatement de construire une forteresse sur les ruines d'un ancien avant-poste, avec vue sur l'Argeş. Beaucoup meurent. Vlad crée une nouvelle noblesse parmi ses paysans, et réussit à se faire construire rapidement une forteresse avec l'ancienne.

On prétendait même que Vlad Ţepeş buvait le sang de ses victimes, qu'il « sauçait » son pain avec !

On sait aussi de lui qu’il était inflexible lorsqu'il s'agissait d'honnêteté et d'ordre. La plus petite infraction, du mensonge jusqu'au crime, pouvait être punie du pal.

Pour résumer, Vlad connaissait les vertus pédagogiques de la terreur.

Sûr de l'efficacité de sa loi, on raconte que Vlad plaça un jour une coupe en or en plein milieu de la place centrale de Târgovişte. Les voyageurs assoiffés avaient le droit de se servir de la coupe mais elle devait rester en place. Selon les sources historiques, celle-ci ne fut jamais dérobée, et resta pratiquement inutilisée tout le temps du règne de Vlad.

Des chroniques locales racontent comment, pour punir des émissaires turcs de ne pas s’être découverts en sa présence, il ordonna que leur fez (turban) soit cloué sur leur crâne.

D’autres chroniques racontent encore qu’après avoir rassemblé de nombreux pauvres et infirmes dans une salle fermée, sous prétexte de leur fournir de la nourriture, il y fit mettre le feu.

Vlad Ţepeş était donc connu pour ses techniques de punition brutales ; selon les dires des boyards saxons de Transylvanie, il ordonne que les punis soient écorchés, bouillis, décapités, rendus aveugles, étranglés, pendus, brûlés, frits, cloués, enterrés vivants, etc. Il aimait couper le nez de ses victimes, les oreilles, les organes génitaux, et la langue.

Mais sa méthode favorite est la mise au pal, d'où son surnom d'Empaleur : on enfonce un pieu, si possible par l'anus pour les hommes ou par le vagin chez les femmes, et on le fait ressortir par la bouche, puis on laisse le pal sur lequel la victime pourrit pendant des jours à la vue de tous.

Ses victimes se comptèrent en milliers, en dizaines de milliers, voire même en centaines de milliers selon certaines sources.

Il applique cette technique en 1457, en 1459 et en 1460 contre les commerçants de Transylvanie qui se rebellent contre ses lois.

En 1457, les commerçants de Sibiu essaient de le remplacer par un Prêtre des roumains, identifié comme étant le futur souverain Vlad IV Călugărul ( mot signifiant le "moine" en roumain), qui leur promet des avantages douaniers. Quant à Vlad, il se rendra, la même année, en Moldavie, pour aider Etienne le Grand (Stefan cel Mare en roumain) à chasser du trône l’héritier de son père.

Les roumains doivent notamment à Etienne le Grand, dont le règne (1457-1504) sera secoué par les guerres et les trahisons, les monastères de Moldavie, dont 24 subsistent encore.

Son fils Petru Rareş (1527-1538) continuera l’œuvre de son père avec la construction de nouveaux monastères et fera couvrir les églises du nord de la Moldavie de superbes fresques murales aujourd’hui renommées dans le monde entier.

L’esprit bâtisseur sera relayé par ses successeurs, sous la dépendance croissante des ottomans.

En Roumanie, Vlad Ţepeş, certes prince sanguinaire, est donc un héros national pour avoir résisté aux turcs, et vous verrez beaucoup de représentations de son célèbre portrait…

Son histoire et ses mœurs médiévales inspirèrent, en 1897, un écrivain irlandais, Bram Stocker.

Quant au surnom de Dracula (Drăculea), « dracul », en roumain, signifie « le diable » ou « le dragon » et fait probablement, à l’origine, également référence à l’Ordre du Dragon auquel appartenait son père.


Vlad Ţepeş est tué en 1476, sans que l'on sache s'il s'agit ou non d'un assassinat. L'hypothèse la plus vraisemblable est qu'il a été tué au combat par les turcs.

Par contre, on sait qu’il a été décapité et que sa tête a été envoyée au sultan, qui la pique sur un pieu comme preuve qu'il est bien mort.

Vlad Ţepeş est enterré au monastère de Snagov, sur une île proche de Bucarest. Selon l'historien réputé Constantin Rezachevici, ce tombeau pourrait être situé sur la localité du monastère de Comana (Constantin Rezachevici „Unde a fost mormântul lui Vlad Tepes?“ (II), Magazin Istoric, nr.3, 2002, p.41).

Des études récentes ont montré que le « tombeau » de Vlad Ţepeş au monastère de Snagov ne contenait que quelques ossements de chevaux, datés du néolithique.

D'après le livre de Radu Florescu et Raymond McNally (A la Recherche de Dracula), il y a deux tombes à Snagov. La première à l'entrée de la chapelle et la seconde au pied de l'autel. On s'accorde généralement à dire que c'est la seconde qui était censée contenir le corps (décapité) de Vlad Ţepeş.

En 1932, une mission archéologique roumaine ouvrit cette tombe et n'y trouva que quelques ossements mâchonnés. L'autre tombe fut également ouverte. L'équipe d'archéologues y découvrit un squelette d'homme en très mauvais état, privé de sa tête, une épée, une médaille de l'Ordre du Dragon, une couronne, les restes d'une cape violette et une bague de femme, cousue à l'intérieur de ce qui fut autrefois la manche d'un vêtement (tradition d'amour courtois très répandue en Europe à la fin du Moyen-Age et que Vlad Ţepeş put apprendre lors de ses séjours avec son père à la cour de l'Empereur Sigismond à Nuremberg).

Certains prétendirent que trouver un corps dans cette tombe n'était finalement pas très étonnant : Vlad Ţepeş avait abjuré sa foi orthodoxe et s'était converti au catholicisme pour pouvoir remonter sur le trône et être soutenu par Matei Corvin. Il était donc considéré comme un hérétique par les moines orthodoxes qui mirent son corps en terre. Un hérétique certes mais de sang royal : on aurait donc très bien pu lui accorder de reposer dans la chapelle (certainement grâce à l'influence des frères Bobrin, ses gardes du corps), mais à l'entrée. Ainsi, les fidèles et les moines auraient marché sur sa tombe chaque jour en signe de mépris.

Avec l'avènement de la génétique, on s'intéressa de nouveau au corps trouvé dans la chapelle en 1932 pour tenter de l'authentifier en comparant son ADN à celui des descendants de Vlad III Ţepeş encore en vie. La nouvelle se répandit alors que le corps ainsi que tous les objets découverts avec lui auraient mystérieusement disparu des réserves du Musée d'Histoire et d'Archéologie de Bucarest, peut-être volés. Ils restent à ce jour introuvables.

Pour revenir à notre histoire et fermer cette parenthèse, la Transylvanie tombera en 1526 sous la coupe de l'empire ottoman.

L’ère des princes locaux moldaves s’achèvera, elle, presque 200 ans plus tard, en 1711.